Au coin des scieurs, Tursac (24)

Retour sur le festival des scieurs et de la forêt, 22 et 23 septembre 2023.

À la lisière de la forêt se trouve la scierie associative de Tursac et son épicerie bois pour les particuliers. Celle-ci se compose des chutes inexploitables par les acteurs de la seconde transformation, c’est-à-dire les charpentiers, menuisiers, ébénistes, luthiers.

Le chemin du bois, parcours dans la forêt à la rencontre des différents professionnels de la scierie.

Tout d’abord, un état des lieux des animaux qui peuplent cette forêt du Périgord noir, futaie datant de 1966. Maître renard, chasseur de rats taupiers et autres rongeurs porteurs de tiques (et donc de la potentielle maladie de Lyme) côtoie le grimpereau des jardins et le pic-noir, à l’affût des grands futs. Des pelotes et des plumes de velours : la silencieuse dame blanche de la nuit demeure dans ces contrées, l’abîme des rongeurs téméraires.

Moins visibles, mais aux actions remarquables, les insectes de la litière tels les cloportes et les lucanes cerf-volant transforment la matière en humus assimilable par les plantes ; c’est aussi le cas des scolytes (un type de coléoptères). Cependant, ces derniers s’immiscent également sous l’écorce des arbres et se nourrissent de bois tendre, d’où l’importance des arbres morts restés au sol. D’ailleurs, ceux-ci sont aussi des refuges pour les animaux et favorisent le développement des champignons saprophytes (les décomposeurs).

« Si on ne tire pas trop sur l’élastique, il revient en place. » Stabilité et résilience de l’écosystème.

Tel est l’enjeu des forestiers, bûcherons et débardeurs : un travail de qualité ne se remarque pas ; lors des prélèvements, la forêt demeure. Des coupes d’éclaircies (15 à 20% tous les 10 ans), prenant en considération les arbres laissés sur pied, plutôt que des coupes rases comme mode de gestion. Des cloisonnements (voies de débardage et zones de dépôt) pour limiter les impacts sur le sol (tassement qui modifie la texture du sol et donc sa capacité de rétention d’eau et détériore les racines) : une sylviculture douce, défendue par le RAF [1] et l’association Cœur de Forêt.

Cœur de Forêt accompagne les propriétaires forestiers dans une démarche environnementale et sociale de gestion de la forêt. Dans un premier temps, un diagnostic est établi par un naturaliste et un botaniste pour connaître la composition de la forêt. Du pistage (recensement de la faune) est réalisé quelle que soit la surface de la parcelle. Vient ensuite le programme d’action : le martelage (au marteau, à la bombe ou avec un ruban) et l’abattage. Les arbres marqués en rouge seront prélevés, ceux en blanc conservés et ceux sans marquage pourront être enlevés s’ils sont « gênants » lors de l’abattage. Les arbres sont considérés individuellement, en lien avec l’ensemble du peuplement ; diversité et complémentarité sont les maîtres mots. Dans cette démarche, il est parfois compliqué de trouver des professionnels : de nombreux bûcherons et débardeurs sont encore rémunérés au volume d’arbres abattus, à défaut d’une juste rémunération à la journée.

En Dordogne se trouvent les plus grandes cultures de châtaigniers (Castanea sativa) conduits en taillis (rejets de souche) pour la construction et l’énergie (la tonnellerie, la forge et l’industrie du tanin pour le cuir au siècle dernier), ou en vergers (très peu répandus désormais) pour l’exploitation des châtaignes. Cependant, cette essence est impactée par l’alternance de périodes humides et de sécheresse avec le développement de l’encre (des micro-organismes qui attaquent le système racinaire de l’arbre) et le chancre (un champignon parasite qui affecte le tronc et les branches). Ainsi se pose la question de remplacer peu à peu le châtaignier par le chêne sessile (Quercus petraea), plus résistant à l’encre ; ou bien planter des châtaigniers sur un versant nord, plus frais.

Quoi qu’il en soit, une diversité des essences semble de mise notamment pour le développement des champignons symbiotiques, œuvrant en partenariat avec parfois un type d’essence spécifique, faisant don d’azote et de phosphore (nécessaire à la croissance des arbres) contre des composés carbonés (glucides) issus des racines de leur coéquipier. Ils régulent également les flux d’eau et les éléments pathogènes du sol.

La scierie de Tursac, actrice de la filière bois locale et solidaire, s’inscrit dans cette démarche respectueuse du vivant et des savoir-faire.


[1] Réseau pour les Alternatives Forestières, charte


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Une réponse à « Au coin des scieurs, Tursac (24) »

  1. Avatar de Anne-Marie DONNATIN
    Anne-Marie DONNATIN

    Merci Mathilde pour cette visite détaillée de ce milieu que je connaîs si peu! Tes mots, tes tournures de phrases m’ont permis de m’évader… Alors continues!

    BRAVO! BRAVO!

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